Quels sont les arguments des “anti” écriture inclusive ?

Que vous soyez très au fait des débats sur l’écriture inclusive, que les vous les découvriez sur Mise au Point ou que vous en ayez déjà des éléments épars en tête, vous pensez sans doute dans tous les cas que c’est un sujet qui tient du panier de crabes plus qu’autre chose. Essayons d’y voir plus clair ! Les arguments des opposants à l’écriture inclusive peuvent sûrement être compris plus clairement que comme des réticences réactionnaires butées.

La dénaturation de la langue, et une vision caricaturale de son évolution

En s’opposant à l’écriture inclusive, on voit souvent revenir la question de ce qui serait naturel ou non dans la langue française, et le fait que l’écriture inclusive ne le serait particulièrement pas.

Face au récit “pro-écriture inclusive” qui dépeint des académiciens sexistes reléguant les femmes à l’arrière-plan, la linguiste Yana Grinshpun déroule par exemple un exposé plus nuancé au sein de l’ouvrage collectif Malaise dans la langue française : le grammairien et académicien Vaugelas, souvent conspué pour son affirmation selon laquelle “le genre masculin est le plus noble”, est aussi l’homme qui fait des femmes des gardiennes de la langue et de son usage.

Vaugelas, rappelle Yana Grinshpun, assure dans la préface de ses Remarques sur la langue française

Dans les doutes de langue, il vaut mieux pour l’ordinaire consulter les femmes, et ceux qui n’ont point étudié, que ceux qui sont bien savants en la langue Grecque et Latine.

Les femmes acquièrent ainsi pour les intellectuels une place majeure dans la production de normes linguistiques et dans ce que Grinshpun appelle la stabilisation des usages, notamment à travers des espaces comme les salons littéraires, à égalité avec le bon sens populaire (“ceux qui n’ont point étudié”).

Une visée égalitaire fantasmée

Pour les opposants à l’écriture inclusive, elle manque également sa prétention à faire avancer la cause de l’égalité hommes-femmes : en effet, pour des essayistes comme Sami Biasoni, souligner les particularités va à l’encontre d’une forme d’indifférenciation visée par l’égalité républicaine traditionnelle. En insistant artificiellement sur des particularités dans la langue, on perd ce qu’elle est censée constituer : un trésor commun, un socle que tous les Français partagent et où ils sont égaux au-delà de leurs identités respectives.

De façon plus sensible encore, fait remarquer Sami Biasoni, l’écriture inclusive ou le langage inclusif oral introduisent une inégalité, un clivage du moins : avant même de parler du fond, un échange banal entre un usager de l’écriture inclusive et quelqu’un ne l’utilisant pas marquera un fossé dans la communication, la vision du monde, le rapport au langage et à certains enjeux politiques. Comment se percevront les gens ? Un usager de l’inclusif prendra-t-il l’autre pour un ignorant, pour un sexiste ? Un non-usager croira-t-il qu’il est face à un militant acharné, à un simple choix sémantique, ou bien s’étonnera-t-il d’une nouveauté saugrenue ? 

Le masculin neutre n’est pas un mensonge !

Jean Slamowicz le rappelle, dans Le Sexe et la langue en 2018 : le genre des mots n’est pas un sexe. Le tabouret, la table n’ont pas besoin de voir leur genre déconstruit, alors pourtant que leurs dénominations semblent relever d’une forme d’arbitraire des représentations :

Rares sont les femmes qui se lèvent le matin angoissées et humiliées à l’idée de devoir dire “merde, il pleut” au lieu de “merde, il.elle pleut”.

Le masculin dans la langue, s’il peut bloquer certaines représentations sociales, typiquement pour les noms de métier, n’est en général pas un obstacle à l’égalité. Des études réalisées pour promouvoir le langage dit inclusif, comme celle réalisée par Estefania Santacreu-Vasut, chercheuse et enseignante en économie, avancent que le niveau auquel une langue serait “genrée” permettrait de prédire l’égalité hommes-femmes (comprendre : la parité) dans les milieux professionnels où elle serait pratiquée. Cela semble pourtant relever d’une corrélation plus que d’une causalité : des langues comme le turc ou le chinois n’ont pas de genre grammatical, et leurs sociétés ne sont pas des modèles d’égalité hommes-femmes.

Concrètement, l’écriture inclusive est selon ses opposants un combat d’arrière-garde, qui est illusoire et surtout détourne de combats bien plus prégnants pour le statut des femmes dans la société : l’insécurité, les risques de santé propres aux femmes, ou l’obscurantisme religieux peuvent prospérer si le principal chantier de l’égalité est d’imposer iel ou le point médian dans la langue !

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