Les experts, journalistes, éditorialistes et politiques de tous bords se mêlent de donner leurs avis et opinions sur l’écriture inclusive. Mais les gens sans ces positions, qui utilisent la langue au quotidien sans se prévaloir de leur autorité intellectuelle ou institutionnelle, qu’en pensent-ils ? Les sondages depuis 2017 révèlent une opinion publique partagée, tendant plutôt au rejet de l’écriture inclusive à mesure que les débats se poursuivent mais sans qu’il y ait de désapprobation écrasante pour autant.
Sortie de la confidentialité, une pratique qui suscite un intérêt bienveillant
2017 est l’année où l’écriture inclusive devient un sujet de débats en tant que tel dans les grands médias. Le manuel scolaire Hatier écrit en écriture inclusive, fait grand bruit. Dans les mois qui suivent, les chroniques et études s’enchaînent, l’Académie Française se positionne. En octobre, une étude Harris pour l’agence Mots-Clés de Raphaël Haddad donne un aperçu des connaissances des Français sur le sujet.
41% des sondés assurent avoir entendu parler de l’écriture inclusive auparavant, parmi eux 12% disent bien la connaître. Une fois qu’on leur a présenté la définition sommaire de Mots-Clés, 75% des sondés (78% desquels ne connaissaient pas préalablement l’écriture inclusive) s’y disent favorables, et 25% opposés (47% desquels connaissaient préalablement l’écriture inclusive).
Un clivage qui se dessine
Le tumulte qui l’entoure va servir la popularité de l’écriture inclusive : en 2021, l’IFOP réalise pour le journal L’Express une étude sur la connaissance qu’ont les Français des thèses wokes. L’écriture inclusive y est l’objet le plus connu parmi ceux rattachés au wokisme1, devant le racisme systémique ou la masculinité toxique, par 58% des sondés. 34% voient ce dont ils s’agit et 24% connaissent l’expression sans plus. Par ailleurs, quand on en vient à se prononcer sur l’écriture inclusive, 37% l’approuvent (14% l’approuvent « tout à fait ») et 63% la désapprouvent (38% « tout à fait »). Après quelques années dans le débat public, l’écriture inclusive semble plutôt susciter un rejet parmi les Français, tout en conservant une base de soutiens conséquente.
Deux camps face à face, pour combien de temps ?
La dernière étude en date, de l’institut CSA pour CNEWS, indique 58% de sondés opposés à l’écriture inclusive. À une courte majorité, les femmes s’y montrent favorables (51%), étant particulièrement visées par le militantisme de l’écriture inclusive. Les électeurs de gauche s’y montrent défavorables, à une aussi courte majorité de 53%. Une mode d’adhésion semble en revanche se dessiner chez les jeunes, très exposés à l’écriture inclusive et au militantisme LGBT, avec 68% de 18-24 ans favorables à l’écriture inclusive. Les 50-64 ans, de leur côté, sont 70% à s’y opposer. Le fossé entre générations est notable. Va-t-il se résorber avec l’âge et l’information sur le sujet ? Va-t-on au contraire vers une société favorable à l’écriture inclusive ?
1 : Selon Pierre Valentin « Le wokisme est une idéologie qui perçoit les sociétés occidentales comme étant fondamentalement régies par des structures de pouvoir, des hiérarchies d’oppression, des systèmes de discrimination (souvent invisibles et/ou logés dans les discours dominants) qui ont pour but (ou en tout cas qui ont pour conséquence) « d’inférioriser » l’Autre, c’est-à-dire la figure de la minorité sous toutes ses formes (ethnique, sexuelle, religieuse) au profit du dominant, c’est-à-dire (selon le schéma intersectionnel) le blanc, hétérosexuel, mâle, cisgenre, valide, riche etc. Le woke est celui qui a conscience de cet état de fait et qui a pour but dans sa vie de conscientiser, « d’éveiller » les autres. »