Souvent, l’écriture inclusive est présentée comme un moyen d’atteindre plus d’égalité entre les femmes et les hommes. Cela semble logique, presque scolaire même : il faut une place similaire pour les femmes et les hommes, alors autant que ce soit le cas dans le discours, et explicitement. Pourtant l’inclusivité comme on la conçoit dans l’écriture inclusive n’est pas la seule voie possible de l’égalité, dont elle présente même une critique frontale.
L’égalité, un principe bien connu
L’égalité, c’est quand, indépendamment des caractéristiques de chaque individu, tous reçoivent un même traitement, avec la garantie qu’il n’y aura pas de traitement injuste sur la base d’une caractéristique non choisie. C’est ainsi que s’est fondée la pensée universaliste française, et que se sont constituées les valeurs de notre République. La première Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, en 1789, énonce ainsi que :
Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux [de la loi], sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Rapidement cependant, les prétentions à l’égalité sont critiquées par des féministes comme ne mettant pas assez en œuvre l’égalité. Après le cas célèbre d’Olympe de Gouges, le XIXe siècle voit des revendications féministes critiquer une égalité trop oublieuse des femmes. On en arrive à une conception, certes minoritaire, qui annonce le mouvement pour l’écriture inclusive. La suffragette et journaliste Hubertine Auclert écrit par exemple dans Le Radical en 1898 :
L’émancipation par le langage ne doit pas être dédaignée. N’est-ce pas à force de prononcer certains mots qu’on finit par en accepter le sens qui, tout d’abord, heurtait ? La féminisation de la langue est urgente, puisque, pour exprimer la qualité que quelques droits conquis donnent à la femme, il n’y a pas de mots.
La question, néanmoins, se pose alors pour la féminisation des noms de métiers plus que pour des points médians.
L’inclusivité, un développement qui ne fait pas l’unanimité
L’inclusivité, dans le sillage de la critique féministe de l’égalité républicaine, prétend que l’égalité telle qu’on la considère usuellement a des angles morts, que sa prétention à traiter tout le monde de la même manière ignore des dynamiques sociales, des oppressions cachées, des rapports de force inavoués. Cette perspective est souvent liée à ce qu’on a appelé en France le wokisme.
Il faut donc essayer de faire en sorte que chaque particularité soit analysée et reçoive un traitement de faveur ou de défaveur adapté. En l’occurrence, le masculin a une place disproportionnée par rapport au juste traitement souhaité pour les hommes et les femmes : il faut donc trouver des moyens de donner plus de représentation à ces dernières, pour qu’il soit plus naturel de les imaginer à place égale dans la société.
Ne mélangeons pas tout !
L’écriture inclusive est moins un grand sac contenant tous les éléments de féminisation de la langue qu’une pratique assez ciblée de refondation du langage dans un but féministe. En arrière-plan, des implications politiques importantes se dressent, qui ne sont pas anodins sur la façon de concevoir les rapports sociaux et le système politique. Si vous pensez qu’il faut simplement adapter quelques noms de métier, ce n’est pas la même chose que considérer que toute la langue est parcourue de dynamiques sexistes et oppressives à corriger. Renseignez-vous, lisez, construisez votre avis !