En dépit des définitions ou des débats qui tentent de déblayer et de clarifier le sujet, on ne comprend pas toujours très clairement ce qui est de l’écriture inclusive et ce qui n’en est pas. La féminisation des noms de métiers, ou le fait de préciser le féminin comme option dans certains contextes peuvent ainsi passer pour de l’inclusif alors qu’ils répondent à des attentes organiques ou administratives plus qu’à un mouvement militant.
La féminisation des noms de métiers
On pourrait croire que dès qu’il est question de faire attention aux femmes dans la langue, c’est de l’écriture inclusive, ou du militantisme féminisme particulièrement poussé, et que dire “doctoresse” ou “autrice” légitimerait l’usage de “iel” et du point médian dans toutes vos communications.
C’est d’ailleurs un élément de langage de certains tenants de l’écriture inclusive : vous avez déjà admis certaines nouveautés considérées comme progressistes, il faut à présent prendre le reste du programme, ce serait logique. Le Manuel d’écriture inclusive de l’agence Mots-Clés considère ainsi que la féminisation des titres, grades et fonctions est une des trois conventions à retenir pour se mettre à l’écriture inclusive.
En réalité, ce n’est pas nécessairement le cas ! La féminisation des noms de métiers relève d’ajouts au lexique, d’enrichissement “quantitatif”. Un nouveau mot est formé, en quelque sorte, avec des terminaisons du genre féminin, celles qui sont établies préalablement dans la langue française.
L’enjeu du langage inclusif ou neutre est beaucoup plus large : il prône une refondation globale de la langue et de ses règles structurelles. Ce ne sont plus quelques mots qui sont créés ou modifiés, c’est potentiellement chaque phrase : il y a un changement “qualitatif” qui implique un travail plus marquant.
Le féminin entre parenthèses
Il est possible aussi de lire certains militants expliquer qu’après tout, on pratique déjà l’écriture inclusive, dans des documents scolaires, professionnels ou administratifs, avec le féminin entre parenthèses : “le(la) patient(e) devra être présent(e)…”
Cet argument dévie quelque peu des propositions habituelles d’écriture inclusive, qui visent à redonner une place égale au féminin et au masculin, ou à éviter une suprématie indue de ce dernier. En effet, la pratique des parenthèses souligne justement un côté optionnel, voire inférieur, du féminin par rapport au masculin. Elle a davantage une vocation pratique, pour rappeler qu’il peut être nécessaire sur certains documents d’accorder ou de biffer tel ou tel élément, d’où son usage administratif souvent rencontré.
N’ayez donc pas l’impression que l’écriture inclusive commence et s’impose avec toute attention portée aux femmes : c’est un phénomène qui a plus d’ampleur que cela. Féminiser des noms de métiers a servi de justification à l’écriture inclusive, mais ce n’est pas une pratique qui constitue une base linguistique et d’usage suffisante à l’ajout de points médians ou de « iel ».