Les non-inclus de l’écriture inclusive (partie 2)

La situation des étrangers désireux d’apprendre le français ou de s’intégrer à un pays francophone pose déjà question quant à l’introduction de nouvelles normes inclusivistes dans la langue. La question du handicap, notamment dys, pourrait aussi en souffrir. Ce ne sont pas les seuls cas où l’écriture inclusive amènerait plus d’inégalité qu’autre chose : les malvoyants et certains LGBT pourraient à leur tour se sentir respectivement lésés.

Le point “aveugles” de l’écriture inclusive

On parlait handicap dans la première partie de ce tour d’horizon des exclus de l’inclusivité, mais il n’y a pas que les analphabètes et les dys qui risquent d’être fortement rebutés par l’écriture inclusive : la France compte plus de 900 000 malvoyants, dont plus de 200 000  lourds voire aveugles. N’étant pas déconnectés de leur entourage et de la société, ils utilisent des appareils numériques, mais s’aident pour cela de logiciels d’assistance vocale, qui leur lisent les textes.

Un mail, un formulaire, un article de presse pourraient être pénibles à suivre pour un malvoyant si l’assistance vocale se retrouve à prendre en compte toutes les terminaisons supplémentaires et doublements syntaxiques de l’écriture inclusive.

L’inclusion pas toujours assez inclusive

Sur Mise au Point, nous nous focalisons sur “l’écriture inclusive”, qui est la plus répandue, mais nous évoquons parfois “l’écriture neutre”, parfois confondue avec, d’autre fois distinguée de sa cousine. En effet, l’écriture inclusive… n’est pas toujours assez inclusive !

En ne mentionnant “que” le féminin et le masculin, l’écriture inclusive ignorerait les gens qui ne se reconnaissent que dans une de ces catégories. Les non-binaires et certains transgenres ou genres minoritaires ne seraient pas représentés par cette pratique : pire, cette dernière renforcerait la binarité masculin-féminin dont ils cherchent à s’émanciper.

C’est là qu’arrive l’écriture neutre, le langage neutre même face au langage inclusif, qui ne cherche plus à visibiliser le féminin mais à effacer toute évocation du genre et du sexe. Pour cela des “grammaires neutres” ont été élaborées, qui préféreront des pronoms, terminaisons et accords en “x” ou “ae” plutôt que d’adosser masculin et féminin.

Si on adoptait demain l’écriture inclusive, des tenants d’un langage neutre, voulant déconstruire le genre jusqu’au bout, pourraient alors considérer qu’on n’a pas fait assez progressiste !

Loin de mieux inclure comme elle semble le prétendre absolument, l’écriture inclusive ressemble à une problématique de niche, qui mènerait à exclure des millions de gens tout en prétendant mieux traiter les femmes qui ne demandent pas cette innovation alambiquée.

Une femme dyslexique ou malvoyante a-t-elle vraiment comme urgence qu’on lui annonce l’institutionnalisation de “iel” et “acteur.trices” ? Plus largement, demande le linguiste Jean Slamowicz dans Le Sexe et la Langue :

Les inégalités sociales, l’accès à l’instruction, la polygamie, l’excision, le viol, les violences conjugales ou violences tout court ne sont-ils pas des sujets pressants et vitaux, sans commune mesure avec l’hypothétique « visibilisation » de la femme dans la grammaire ?

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